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26 avr. 2015

Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra



Voici un roman qui ne laisse pas indifférent et le choix que devra faire Jonas soulève bien des questionnements.



Pour cet article, j’ai choisi de ne rien écrire concernant ce roman que je trouve absolument bouleversant. Les mots glissent et s’imbriquent entre eux comme si l’auteur avait voulu nous faire vivre chaque mot, chaque pensée, chaque émotion comme un dernier souffle. Et c’est pour cette raison que je vous propose de lire quelques extraits qui suffiront à vous plonger au cœur de l’histoire. 

Résumé :


Algérie, dans les années 1930. Les champs de blés frissonnent. Dans trois jours, les moissons, le salut. Mais une triste nuit vient consumer l'espoir. Le feu. Les cendres. Pour la première fois, le jeune Younes voit pleurer son père. Et de pleurs, la vie de Younes ne manquera pas. Confié à un oncle pharmacien, dans un village de l'Oranais, le jeune garçon s'intègre à la communauté pied-noire. Noue des amitiés indissolubles, françaises, juives : " les doigts de la fourche ", comme on les appelle. Et le bonheur s'appelle Émilie, une " princesse " que les jeunes gens se disputent. Alors que l'Algérie coloniale vit ses derniers feux, dans un déchaînement de violences, de déchirures et de trahisons, les amitiés se disloquent, s'entrechoquent. Femme ou pays, l'homme ne peut jamais oublier un amour d'enfance...

Quelques passages du roman :



Extrait 1


De nouveau Emilie me dévisagea avec insistance. Lisait-elle dans mes pensées ? Si oui, que déchiffrait-elle au juste ? Sa mère lui avait-elle parlé de moi ? Avait-elle retrouvé mon parfum dans la chambre de sa mère, décelé quelque chose que je n’avais pas su effacer à temps, la trace d’un baiser en suspens ou le souvenir d’une éreinte inachevée ? Pourquoi avais-je soudain le sentiment qu’elle lisait en moi comme dans un livre ouvert ? Et ses yeux, mon Dieu ! irrésistibles, comment faisaient-ils pour saturer les miens, se substituer à eux, passer au crible chacune de mes pensées, intercepter la moindre interrogation me traversant l’esprit ?...

 
Photo tirée du film

Extrait 2


- Il ne s’est rien passé Madame Cazenave. Emilie est éprise de Fabrice, et Fabrice est mon meilleur ami.

- J’irai droit au but, Monsieur Jonas… Vous êtes musulman, et bon musulman d’après mes informations, et je suis catholique. Nous avons cédé, dans une vie antérieure, à un moment de faiblesse. J’ose espérer que le Seigneur ne nous en tienne pas rigueur. Il ne s’agissait que d’un dérapage sans lendemain… Toutefois, il existe un pêché de la chair qu’Il ne saurait absoudre ou supporter : l’inceste…

Ses yeux me fusillèrent en lâchant le mot.

-   Je ne vois pas où vous voulez en venir.

-  Mais nous sommes ne plein dedans, monsieur Jonas. On ne couche pas avec la mère et la fille sans offenser les dieux, leurs saints, les anges et les démons !

Elle redevint cramoisie, et le blanc de ses yeux cailla comme du lait.

Son doigt se voulu glaive quand elle tonna :

- Je vous interdis de vous approcher de ma fille…

Cela ne m’a pas traversé l’esprit…

- Je crois que vous ne m’avez pas très bien comprise, monsieur Jonas. Je me contrefiche de ce qui vous trotte ou non dans la tête. Vous êtes libre de vous imaginer ce que vous voulez. Ce que je veux est que vous vous teniez le plus loin possible de ma fille. Et vous allez me le jurer ici, et tout de suite.

-  Mad…

-  Jurez-le !


Photo tirée du film


Extrait 3


- Tu te demandes sûrement pourquoi je suis surexcité ?... Est-ce que tu peux garder pour toi ce que je vais te dire ? Tu connais nos gens, et leur mauvais œil…

Son enthousiasme chuta devant mon indifférence. Il fronça les sourcils :

- Tu me caches quelque chose, Jonas. Quelque chose de grave.

-  C’est juste mon oncle…

-  Ben, je me prépare à t’annoncer une excellente nouvelle, et toi, tu me présentes un profil à débander un tank…

-  Vas-y, raconte. Peut-être que ça va me décrisper.

-  J’y compte bien, tiens… voilà : Madame Cazenave m’a proposé la main de sa fille et j’ai dit oui… Mais attention, rien n’est encore officiel.

Lessivé.

Mon reflet dans la baie vitrée tenait le coup, mais, intérieurement, je m’étais désintégré.


Extrait 4 (dans cet extrait Emilie appelle Jonas par son prénom d’origine : Younès)


Je me taisais. J’avais peur, en ouvrant la bouche, d’éclater en sanglot. Je réalisais le mal que je lui avais infligé, le gâchis que j’avais fait de ses espoirs, de ses rêves de jeune fille, de son bonheur pur et sain, pugnace et légitime, naturel et confiant, qui, à l’époque, donnait à ses yeux l’éclat de toutes les convoitises heureuses, de toutes les belles illusions.

-  Est-ce que je peux te poser une question, Younès ?

La gorge nouée, je ne pus que hocher la tête.

-  Pourquoi ?... Pourquoi m’as-tu repoussée ?... Si c’était pour une autre, tu l’aurais épousée et j’aurais compris. Mais tu n’as toujours pas pris femme…

Une larme profita d’un moment d’inattention et parvint à se faufiler entre mes cils et  rouler sur ma joue. Je n’eus pas e courage ni la force de l’intercepter. Aucun muscle ne m’obéissait.

- Qu’est-ce que tu me caches, Younès ? Qu’est-ce que tu ne veux pas me dire ?

La digue céda : mes larmes coulaient à flots, cascadaient sur mes joues, inondaient mon menton et mon cou. Je pleurais, et je sentais que je me vidais de mes tourments, de mes remords, de mes parjures, tel un furoncle libérant son mal. Je pleurais comme une ribambelle de mioches tant je ne souhaitais pas m’arrêter de pleurer.

Tu vois ? me dit-elle. Tu ne veux toujours rien me dire.

Quand je relevai la tête, Emilie était partie.


Photo tirée du film



Jonas arrivera-t-il enfin à dire à Emilie qu’il n’a jamais pu l’aimer librement ?

Et si tout était déjà joué ? Et si c’était simplement trop tard ?




 
Du livre au film :

En 2012, Alexandre Arcady donne vie aux personnages du roman. Ce film qui est aussi bouleversant que le roman, vous transporte pendant environ 2h30.



Il réuni les acteurs suivants : Nora Arnezeder (Emilie), Fu’ad Ait Aattou (Younes/Jonas), Anne Parillaud (Mme Cazenave).

Et d’autres…



Tous jouent incroyablement bien et la voix grave de Younès/Jonas a le don poser véritablement les tensions qui règnent tout au long du film.

Quant à Emilie, elle nous transporte à chaque cri d’amour.

Le tout parsemé d’histoire avec un grand H. 


 
Ce film a reçu le Prix Jeune Public de la Meilleure Adaptation

2 commentaires :

  1. Très intéressant. J'ai lu le livre, et l'ai adoré! J'ai hâte de voir le film et espère qu'il sera à la hauteur du livre.

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    1. J'ai vu en premier le film et ensuite lu le livre. J'ai fait l'inverse. Le film m'a vraiment bouleversée parce que toutes les émotions sont présentes. Les acteurs sont tous excellents.
      Vous me direz ce que vous pensez du coup,
      Sonia

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